François DAVID - Photographe de montagne et Accompagnateur en Montagne

Photographier des paysages alpins fait rêver beaucoup de photographes, avec ses paysages grandioses, sa lumière changeante et ses clichés uniques. C’est un terrain de jeu exceptionnel pour la photographie, mais par où commencer côté matériel ? Pas de panique, cet article est là pour vous guider dans vos premiers pas et vous aider à choisir un équipement adapté aux contraintes spécifiques de la photographie en montagne.

Le milieu montagnard : un environnement à part

Faire de la photo en montagne n’est pas forcément très différent de la photographie de paysage classique d’un point de vue de la technique photographique. Cependant, l’environnement de la prise de vue change complètement de la plaine. Le photographe de montagne est exposé à plusieurs facteurs qui vont avoir une influence sur son matériel. Il faudra mettre en adéquation d’un côté le matériel que l’on souhaite emmener, et de l’autre les contraintes de la sortie en montagne (poids du sac à dos, volume de l’équipement, conditions météos, type de prise de vue, condition physique). Il faut donc trouver le bon compromis entre la compacité, la légèreté, la résistance et la polyvalence du matériel photo, tout en rentrant dans le budget propre à chacun.

Le poids du matériel devient un facteur non négligeable lorsque vous gravissez un sentier, et les conditions en altitude peuvent être rudes pour votre équipement. Voici quelques pistes pour bien démarrer.

Préparation du sac à dos

On ne part pas en montagne sans sac à dos, qui contient le minimum vital. Mais attention, on a vite fait de remplir notre sac de matériel inutile, représentant rapidement des kilos en trop à devoir emmener au sommet, puis à redescendre. En règle générale, le poids du sac à dos ne doit pas excéder 15 à 20% du poids du randonneur. Bien sûr, ces valeurs dépendent de chaque individu, de sa forme physique, de la longueur de la sortie et de l’altitude de la randonnée (il m’arrive personnellement de régulièrement dépasser ces valeurs).

Prenons un exemple concret. Préparons un sac pour une randonnée à la journée en été avec l’équipement suivant :

  • Un sac à dos de 30L : entre 1kg et 1,3kg
  • 2L d’eau : 2kg
  • Un pic-nique + encas : 500 à 700g (dépend de si vous êtes gourmand)
  • Une veste de pluie : entre 400g et 700g
  • Une couche thermique : 700g à 900g
  • Autres accessoires en tout genre (crème solaire, portefeuille, trousse de secours, etc.) : environ 500g

On arrive vite sur un sac d’environ 6 kg.

En fonction de leur forme physique, certains pourront partir avec un boitier reflex, 3 objectifs et un trépied, d’autres uniquement avec un boitier compact. Il en va de même pour le volume disponible dans le sac à dos.

Avec un sac bien rempli, il ne reste plus beaucoup de place pour le matériel photo

Le choix du boîtier : léger, polyvalent et fiable

Pour débuter en photographie de montagne, inutile d’investir immédiatement dans un boîtier professionnel haut de gamme. Les boîtiers d’entrée et de milieu de gamme font déjà bien l’affaire. L’important est de privilégier un modèle ayant une ergonomie et une interface utilisateur qui vous conviennent. En effet, cela permet d’être le plus réactif possible lorsqu’il faut prendre un cliché à la volée. Le confort de la prise en main est aussi essentiel si vous vous mettez à garder le boitier à la main pendant une bonne partie de la randonnée. Le critère de poids et de compacité peut être un différenciateur. Enfin, la présence d’un écran orientable pourra être un plus si vous souhaitez faire des clichés créatifs ou au plus proche du sol.

Pour ma part, je réalise toutes mes sorties avec un Canon 5D mk IV, autant dire un gros bébé. Ce boîtier est volumineux, pas le plus léger du marché, et ne possède pas d’écran orientable. Néanmoins, il est fiable et robuste, le boîtier est tropicalisé, et le capteur photo est un plein format de très bonne qualité avec une très bonne dynamique sans avoir à utiliser un mode HDR.

Le type de boitier

Nous allons nous intéresser principalement aux boitiers reflex et hybride. Ces deux catégories ont le même principe de fonctionnement : il est possible de changer d’objectif, ils sont équipés de bon capteurs ayant les plus grandes tailles du marché (APSC et plein format) et possèdent un écran de visualisation mobile ou non, une batterie et une carte mémoire.

Mais intéressons nous aux différences entre ces deux modèles d’un point de vu performance :

  • Type de viseur : La première différence entre un reflex et un hybride et le viseur. Il est optique sur un reflex et numérique sur un hybride. Ainsi, on observe directement le rendu de la photo dans le viseur de l’hybride (en fonction de nos réglages de vitesse, d’ouverture et d’ISO). Cela avantageux en montagne où l’on se retrouve souvent avec des conditions de lumière difficile à gérer. Le photographe peut donc directement voir si ses réglages correspondent à ce qu’il est en train de photographier. Cependant, faites attention à la qualité du viseur numérique. Il arrive que ce dernier ne soit pas suffisamment défini ou alors pas assez fluide. On retrouve cela notamment sur les boîtiers d’entrée de gamme.
  • Qualité image : Les reflex et les hybrides embarquent le même type de capteur. On doit donc trouver la même qualité entre ces deux types de boîtiers.
  • Poids : La différence fondamentale entre un boîtier hybride et reflex est l’absence de miroir sur l’hybride. Cela rend sa construction plus compacte, et donc un peu plus légère.
  • Encombrement : On vient de le dire plus haut, les boitiers hybrides n’ont pas de miroir. Ils sont donc plus compactes.
  • Autofocus : Les reflex font une mise au point par l’intermédiaire des collimateurs du viseur, là où l’hybride réalise une mise au point sur tous les pixels du capteur. Il y a donc une meilleure précision de la mise au point sur hybride. On retrouve même des boitiers sur lesquels la mise au point peut se faire jusqu’à -7,5 IL. Pour du paysage de montagne, ce critère ne sera pas le plus important. Il peut néanmoins devenir intéressant si vous souhaitez faire de la photo animalière.
  • Autonomie :  Les boîtiers hybrides intègrent plus d’électronique que les reflex, et le viseur électronique consomme de l’énergie là ou un viseur optique n’en consomme pas. Ainsi, avec une batterie, on peut passer d’une autonomie d’environ 600 clichés pour un hybride à environ 1000 clichés pour un reflex. Cette autonomie sera aussi revue à la baisse si la température devient très froide.
  • Choix des optiques : Les boitiers reflex existant depuis plus longtemps que les hybrides, ils disposent d’un parc d’occasions gigantesque. Les hybrides disposent néanmoins d’une gamme tout à fait raisonnable d’objectifs. Aussi, les optiques hybrides sont plus compacts et plus légers que ceux pour reflex. Ainsi, il faudra faire le choix entre un large choix d’objectifs d’occasion moins chers, ou des objectifs plus onéreux mais plus légers et compacts.

La taille du capteur

Dans le monde des boîtiers reflex et hybrides, il existe principalement deux tailles de capteurs : les APS-C (environ 15mm x 23mm, dépends des fabricants) et les plein format (24mm x 36mm). Les APS-C équipent la plupart des boîtiers hybrides et reflex, principalement sur les entrée et milieu de gamme. Le capteur plein format est en général réservé aux boîtiers haut de gamme.

  • APS-C : Ces capteurs sont plus petits que les plein format. Cela va leur donner deux avantages. Le premier est la compacité : en étant plus petits, ils permettent d’avoir un boîtier plus petit et plus léger, ainsi que des optiques adaptées un peu plus légères et compactes. Le deuxième avantage est une longueur de focale apparente plus grande qu’en plein format. En effet, un objectif de 50mm sur un APS-C donnera une focale équivalente de 80mm. Cela est très intéressant pour les personnes voulant zoomer loin dans les détails de la montagne, ou faire de l’animalier. Petite astuce : pour connaître la focale équivalente, multipliez la longueur de focale de l’objectif par 1,5 (ou 1,6 si vous avez un boîtier Canon).
  • Plein format : Le capteur plein format donnera un boîtier un peu plus massif et lourd. Il aura par contre une meilleure plage dynamique et une meilleure sensibilité en basse lumière. En effet, si on compare un capteur APS-C et un plein format ayant le même nombre de pixels, alors la taille des pixels sur le capteur plein format sera plus grande que sur le capteur APS-C. Ces pixels plus grands permettent de capter plus de lumière, offrant un net avantage pour les faibles luminosités.

Pour finir, attention à la course aux pixels. Si les capteurs sont longtemps restés dans une plage autour des 20 à 30 mégapixels, on trouve maintenant des capteurs entre 40 et 50 mégapixels. Comme expliqué juste avant, avoir beaucoup de pixels sur le capteur va inéluctablement réduire leurs tailles sur le capteur, et donc la sensibilité en basse lumière. D’un autre côté, un très grand nombre de pixels vous permet de faire un zoom numérique pour faire un gros plan d’un élément de votre cliché, ou encore de vous permettre de faire des impressions de vos photos en très grand format. Il faudra faire le choix entre qualité en basse lumière et zoom puissant.

Une grande dynamique de capteur permet de capter les ombres des fonds de vallées et la forte luminosité du soleil sur la neige

Mon conseil est de privilégier la qualité image en basse lumière. En effet, les paysages de montagne sont souvent très contrastés, entre un ciel ou des névés très clairs, et des ombres de fond de vallée très sombre. Notre œil est capable de voir l’ensemble de la plage dynamique (24IL), mais nos capteur photo sont limités à 12IL pour les meilleurs. Il est donc préférable à mon sens de privilégier une plage dynamique du capteur la plus grande possible. Les capteurs plein format sont souvent les mieux adaptés pour ce genre de situation.

Construction du boitier

Un dernier point pour le boîtier est de regarder sa résistance aux chocs, à l’humidité, à la poussière, à l’eau et aux variations de températures. En effet, la montagne est un environnement pouvant devenir extrême : températures assez chaudes en été au soleil, températures glaciales en hiver, pluie, neige, choc contre des parois rocheuses…votre boîtier peut vite être malmené.

Pensez à un boitier qui n’a pas peur d’être posé sur un rocher

Les boitier d’entrée de gamme sont moins robuste que les boitier haut de gamme. Ces derniers sont souvent tropicalisés, c’est à dire qu’ils sont équipés de joints évitant à l’humidité de s’infiltrer à l’intérieur du boîtier. Il en est de même avec les objectifs.

Regardez aussi la plage de température d’utilisation recommandée par le constructeur. Cela peut être un différenciateur si vous pensez partir dans des conditions extrêmes.

Pour finir, regardez aussi la construction du boîtier. Certains sont par exemple fait en alliage de magnésium, les rendant plus résistants aux chocs. Attention, on parle ici de petits chocs contre des parois rocheuses par exemple. Cela ne rendra pas votre boîtier résistant à une chute.

Notez les conditions que vous pourriez affronter lors de vos sorties, et vérifiez les spécifications techniques des boitiers qui vous intéressent.

Les objectifs : polyvalence ou spécifique ?

Le choix de vos objectifs est crucial pour la photographie de montagne. Mais que choisir entre un grand angle pour le paysage ou un téléobjectif pour capturer des détails de la montagne ou des animaux ?

  • Objectif transtandard : Il s’agit d’objectifs polyvalent, avec une focale en plein format évoluant du 24mm au 70mm, voir 105mm. C’est un excellent choix pour débuter car il vous permet de couvrir une large plage focale, allant du grand-angle pour les paysages aux focales plus longues pour isoler des détails ou réaliser des portraits en montagne.
  • Objectif grand-angle : Avec une focale entre 10mm et 24mm, il est indispensable pour capturer l’immensité des paysages de montagne, un grand-angle vous permettra d’intégrer les sommets, les vallées et le ciel dans une seule image. Les focales fixes offrent une meilleure qualité d’image (surtout moins de distorsion de l’image) et une plus grande ouverture (et donc plus de lumière). Un grand angle en focale fixe est aussi une bonne solution pour les paysages nocturnes.
  • Téléobjectif : Utile pour rapprocher les éléments éloignés, comme les animaux sauvages, les détails rocheux sur les sommets ou les autres randonneurs. Il existe de nombreuse combinaisons de focale, du 70mm au 600mm. Ils sont cependant assez imposants. Si le poids est une contrainte majeure au début, vous pourrez envisager cet achat ultérieurement.
  • Focale fixe : Souvent adulé par les puristes, la focale fixe offre une très bonne qualité image. L’inconvénient en montagne est qu’il est préférable de partir avec plusieurs longueurs de focale pour s’adapter aux différents types de photo que l’on peut y faire. Cela nécessitera de partir avec plusieurs objectifs sur sois.

Il est souvent difficile de choisir avec quel objectif partir, et on a tendance à vouloir tout faire. Mais gardez en tête qu’un objectif de bonne qualité en plein format peut vite peser entre 500g et 1kg. Imaginez donc si vous partez avec trois cailloux dans votre sac ! Aussi, plusieurs objectifs impliquent des changements d’objectifs, plus ou moins fréquents. L’environnement n’est parfois pas très propice aux changements d’objectif, risquant d’inclure des poussières ou de l’eau dans votre boîtier.

Pour débuter, je vous conseille donc un seul objectif de type transtandard afin de minimiser le poids du matériel et le prix d’achat. Pour ma part, je sors systématiquement avec un Canon EF 24-105 F/4. C’est mon couteau suisse !

Conclusion : Un pas après l’autre

Débuter la photographie de montagne ne nécessite pas un investissement colossal. Commencez petit à petit, d’abord avec un boîtier hybride ou reflex d’entrée/milieu de gamme et un objectif polyvalent. Au fur et à mesure de votre progression et de l’identification de vos besoins spécifiques, vous pourrez compléter votre équipement avec des objectifs plus spécialisés et des accessoires adaptés.

L’essentiel est de sortir sur le terrain, d’observer la lumière, de composer vos images et de vous familiariser avec votre matériel. Évaluer aussi vos capacités physiques afin de savoir si vous pouvez vous permettre d’emmener quelques objectifs supplémentaires avec vous.

La montagne vous offrira des sujets infinis et des expériences inoubliables à capturer. Alors, préparez votre sac, mettez vos chaussures de rando et partez à l’aventure photographique !

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